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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dédaigneux et mortifiant qu’elle avait toujours avec les ennuyeux. Vous ne sauriez imaginer combien le silence et l’air ennuyé de cette charmante jeune femme avaient excité d’animosité contre elle. De tous les labeurs, le plus pénible est celui de cacher l’ennui qu’on nous cause, et voilà pourquoi les personnes nerveuses se font toujours une foule d’ennemis.

Sophie-Septimanie de Richelieu était la fille unique du Maréchal de Richelieu et de la Princesse Elisabeth de Lorraine, héritière des Guise. Elle était beaucoup plus sensible à l’honneur de sa descendance maternelle qu’à l’illustration de ses ancêtres paternels, et comme elle n’avait pas toujours la précaution de le dissimuler devant son père, elle en recevait quelquefois de bons coups sur les doigts. M. de Richelieu avait toujours eu beaucoup d’estime et de confiance pour ma grand’mère. Ils s’appelaient toujours mon Compère et ma Commère, comme s’ils eussent été des gens du faubourg Saint-Denis, et, quand on avait l’air d’y prendre garde, M. de Richelieu disait pour leur justification que c’était à l’exemple du roi Louis XIII, qui disait toujours très sérieusement, comme tout ce qu’il disait, « ma Commère la ville d’Anvers, et mes bons Compères les treize cantons suisses. » Comme ils n’avaient jamais été de compte-à-demi parrain ni marraine, on n’a jamais pu savoir à quoi rimait, ni d’où pouvait provenir cette manière de se parler qui datait de leur jeunesse et dont ils n’avaient aucun souvenir originel. Voilà qui n’importe guère, et toujours est-il que ma grand’mère était à peu près