Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
SOUVENIRS

la seule personne avec qui le Maréchal de Richelieu eût l’habitude de parler à cœur ouvert.

— Vous croyez peut-être aussi, lui disait-il un jour, que nous sommes des gens de rien ?

— Mais qu’est-ce qu’il vous prend de me demander pareille chose ? lui répondit ma grand’mère, je ne vous répondrai pas !

— J’en suis bien fâché, lui répliqua le Maréchal, parce que je vous aurais confondue !

— Allez toujours, mon Compère, allez toujours, et débattez-vous comme si je vous avais dit des indignités ! Je serai bien aise de vous savoir encore plus grand seigneur que je ne le croyais.

De fil en aiguille, il en vint à lui conter une anecdote où figurait le célèbre Fléchier. Je vous la rapporterai parce qu’elle me paraît curieuse et tout-à-fait dans les mœurs de notre grand siècle.

Le Maréchal Duc de Richelieu, qui ne se laissait molester sur aucun sujet, et qui ne se serait pas laissé entreprendre sur un tel chapitre que celui de son extraction nobiliaire, car c’était la base et le fondement de toute considération solide en ce temps-là, ce qui prouve que les temps sont bien changés ! le Maréchal de Richelieu, vous disais-je, eut pourtant la bonhomie d’avouer à ma grand’mère qu’il éprouvait une inquiétude perpétuelle au sujet de l’opinion qu’on pouvait avoir sur le plus ou moins d’ancienneté de sa noblesse, en ajoutant qu’en dépit de la comédie qu’il avait jouée par un calcul de vanité facile à comprendre, le plus beau jour de sa vie avait été celui où il avait épousé Mlle de Guise, dont il était principalement amoureux pour ses