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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

voulait faire sa société que de ses valets du plus bas étage, et l’on a fini par nous la renvoyer comme une indigne et méchante folle qu’elle était. Venait ensuite l’Abbesse de Chelles (Mme la Duchesse d’Orléans la connaissait assez bien pour avoir absolument exigé qu’on en fît une récluse), et puis arrivait Mademoiselle de Beaujolais, qu’on a fait mourir de chagrin. C’était la plus raisonnable et la plus régulière de la famille ; on prétendait qu’elle aimait passionnément et constamment un Infant d’Espagne, et je ne sais comment elle aurait conservé cette passion-là, car elle avait la tête tournée pour le Duc de Richelieu à qui elle écrivait des choses qui brûlaient le papier. Mademoiselle de Beaujolais était jolie, spirituelle et bienveillante, et malgré son tour d’esprit romanesque et ce que M. son père appelait des enfantillages, tout le monde a regretté cette jeune Princesse. Je n’ai pas cru devoir parler ici de Mme la Princesse de Conty, parce qu’on la menait encore à la lisière à l’époque sa sœur aînée venait de mourir en couches.

Immédiatement après la mort de Mme la Duchesse de Berry, on rendit au public de Paris, la jouissance du jardin du Luxembourg dont cette Princesse avait fait murer toutes les portes, et voilà qu’un bel après midi M. de Créquy m’y voulut conduire avec ma grand’mère et Mesdemoiselles de Breteuil. On nous apporte des siéges que nous avions fait demander aux suisses et lorsque nous sommes assises dans la grand’allée nous y voyons arriver une bette personne élégamment ajustée de mitoyen deuil, avec un habit garni de plumes noires, et des