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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

à vous en dire. Ces deux spirituelles personnes étaient mes parentes et mes contemporaines les plus rapprochées de mon âge et les mieux établies sur un même rang ; ainsi nous aurions dû naturellement rester bonnes amies et traverser notre longue vie dans une intimité continuelle ; mais si la Maréchale de Luxembourg a bien fini, la Duchesse de Boufflers avait mal commencé, ce qui fait que je ne l’ai revue familièrement que dans sa vieillesse. La Princesse de Lixin s’était toujours conduite le mieux du monde ; mais la Maréchale de Mirepoix allait souper chez Mme du Barry, d’où vient qu’elle avait abdiqué les amitiés et les principales relations de sa jeunesse. C’était la personne la plus naturellement gracieuse et la plus distinguée, noblement ; mais c’était la femme du monde la mieux calculée pour son profit ou son agrément personnel, où dominait toujours le besoin qu’elle avait d’argent, et de beaucoup d’argent, car elle aurait fait dévorer dix royaumes aux banquiers du Passe-Dix et du Vingt-et-Un. Elle n’avait jamais éprouvé ni pu comprendre d’autre passion que celle du jeu. Si la Maréchale de Mirepoix avait joué moins malheureusement ou plus modérément, on peut être assuré qu’elle se serait maintenue dans la convenance et la dignité les plus parfaites. Mais puisque je vous ai parlé de la Duchesse de Boufflers, autant vaut-il que je vous la fasse connaitre étant Duchesse de Luxembourg et dans toute sa gloire ; autant vaut que ce soit aujourd’hui qu’un autre jour ; ainsi je vais anticiper sur mon récit, que nous reprendrons chronologiquement à l’époque de l’ambassade de mon père et de notre voyage en Italie.