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SOUVENIRS

de son siége en me disant : — Romati, je vous avais ordonné de ne pas vous servir d’une expression qui m’est insupportable ! — Ensuite elle se mit à rire avec une immodération convulsive, en répétant : — Le Paradis !… C’est bien le cas de parler du Paradis ! Il a sujet de parler du Paradis !… tu t’en souviendras du Paradis !… Cette scène devenait pénible et j’en éprouvai beaucoup d’embarras !

« Aussitôt que cette étrange princesse eut repris son sérieux, elle me fit signe de la suivre. Elle ouvrit avec assez d’efforts et quelques mouvemens d’impatience une porte massive, et nous entrâmes alors dans une espèce de galerie voûtée, où mes yeux furent éblouis du plus merveilleux spectacle. Imaginez que, non loin de cette porte, et soit dit en passant, sur des socles de bresche universelle, il y avait deux paons d’or émaillé faisant la roue, dont les aigrettes étaient des gerbes très-légères et très-déliées en brillans jaunes, et dont les queues étalées étaient couvertes de pierreries assorties au plumage de ces animaux. Il était à supposer, d’après la description d’Ange Politien, que c’étaient les deux paons de Généraliffe, et j’en conclus qu’après la mort du Duc Alphonse de Grenade, ils étaient passés dans la collection des Princes de Monte-Salerno. Quoiqu’il en fût de ces deux chefs-d’œuvre lapidaires et de leurs premiers possesseurs, toujours est-il que les yeux de ces brillantes images étaient des rubis de Golconde . (Soyez persuadés que s’ils n’avaient été que des rubis