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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

parler de M. de Rasilly qui jouait si bien au piquet ? Mais quel âge me donneriez-vous, Madame ? voyons cela, quel âge me donneriez-vous ? — M. le Baron, je n’ai point à me prononcer. — Comme il vous plaira, ma chère dame, comme il vous plaira, mais toujours est-il que je suis allé bien souvent ma foi ! quarante ou cinquante fois peut-être ! Ah ! oui, je crois bien que je suis allé aux eaux minérales environ quarante ou cinquante fois… — Mais, Monsieur… — Madame, ayez la bonté de ne pas m’interrompre, parce que je ne viens ici que pour vous rendre service ! J’y ai donc vu des mourans, des malades et des convalescens, et ce qu’ils appellent des valétudinaires. Ah ! mon Dieu, les étranges figures que ces valétudinaires, et les singulières toilettes qu’on voit aux eaux ! C’est à n’y pas croire, et si je vous disais que j’ai vu M. de Monfontaine et Mme de Mazarin en chapeaux de paille avec des couronnes de fleurs, et couchés tous les deux sur le même lit ? — Monsieur, vous oubliez… — Laissez-moi donc continuer, Madame, et ne faites pas la mijaurée, s’il vous plaît… Je vous disais donc que ces baigneurs et ces baigneuses ont souvent des coiffures et des accoutremens inconcevables. — Mais, Monsieur, quel intérêt voulez-vous que je prenne ?… — Madame, si vous m’interrompez toujours… Tenez, vous me croirez si vous voulez, mais je vous donne ma parole que je n’ai jamais vu figure de femme aussi singulièrement, et, permettez-moi de vous le dire, aussi mal ajustée que vous l’êtes. — Allez, Monsieur, vous êtes un fou. — Pas du tout, Ma-