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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pièce où l’eau ruisselait de partout, et où M. le Chevalier de Créquy n’en couchait pas moins lorsqu’il venait à Fontenay. Il y avait dans cette chambre une grande cheminée où quinze personnes auraient pu s’aligner commodément, et dont le manteau formait comme un toit soutenu par deux colonnes torses en bois d’alisier. La châtelaine avait fait boucher le tuyau de cette cheminée, et le lit du Chevalier se trouvait placé dans l’âtre avec une table de nuit, un vieux fauteuil et un prie-dieu. Comme le sol de l’âtre était élevé de 15 à 18 pouces au-dessus du pavé de cette chambre, il y formait une espèce de promontoire assez inabordable ; et je vous dirai qu’une table pour la toilette était établie sur deux soliveaux couverts avec des planches. Pour y parvenir plus commodément, on avait fait pratiquer une jetée, fortifiée dans le milieu par une sorte de batardeau construit avec des coffres et des caissons ; mais le Chevalier disait que toute cette humidité ne lui déplaisait pas du tout, parce qu’elle lui rappelait le siège d’Avesnes, où il avait passé deux mois les jambes dans l’eau. Ma chambre, où l’on arrivait par un degré de pierre en colimaçon, se trouva beaucoup moins incommode et beaucoup mieux meublée qu’on n’aurait dû le croire ; car il est bon d’observer que cette maison, très vaste et de noble apparence, avait toujours été bien pourvue jusque-là que cette précieuse ridicule eût été chargée de la tutelle de son fils, dont elle avait laissé crouler et l’effondrer le toit paternel par son mauvais ménage et son défaut d’entretien, la vilaine sotte ! J’eus de la peine à m’endormir, parce que les draps de mon