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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qui les a parfaitement bien élevés, malgré tout ce qu’on a pu dire[1]. On s’en prenait à lui de ce que ces trois jeunes princes n’étaient pas toujours au plus-que-parfait ; mais, mon Dieu ! n’en est-il pas de la meilleure éducation comme de la dévotion, qui n’a jamais influé sur le fond du caractère ? La religion s’applique incessamment à combattre nos défauts ; mais le mieux qu’elle fasse est d’en adoucir les aspérités et d’en arrondir les angles, on pourrait dire. Elle ne saurait détruire en nous le mauvais germe de certaines dispositions originelles, et tout ce qu’elle peut faire est de le comprimer pour en empêcher la fructification. La dévotion participe de l’humeur naturelle et prend toujours le caractère de la personne qui la professe ; aussi paraît-elle sévère avec les uns, indulgente et facile avec les autres. Mais ce qu’on devrait observer équitablement, c’est que, sans la religion, l’homme sévère aurait été plus rigoureux que de justice, et que cette personne indulgente aurait eu peut-être plus d’aménité que de raison, plus de bienveillance passionnée que de charité véritable… Soyons aussi bien élevés que possible, et devenons parfaitement religieux : nous n’en resterons pas moins avec nos défauts ; mais ils ne prendront pas un libre essor, ils n’augmenteront pas de vigueur en conséquence de leur exercice ; c’est un point essentiel aux yeux des théo-

  1. Antoine de Quélen d’Estuer-Caussade, Duc de la Vauguyon, Prince de Carency, Marquis de St.-Mesgrin, etc. C’était un homme d’esprit et de conscience ; mais il était ce qu’on appelait alors anti-philosophe, et indè iræ.
    (Note de l’Aut.)