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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

avec ses rochers, ses bois, ses milliers de créneaux, ses grottes béantes et ses buissons de vigne échevelée ; la cime en était dominée par un castel immense, inaccessible. Mais voyez le tableau de Van Goyen, ou prenez la peine de faire le voyage de Vendôme : il n’y a presque rien de changé dans la disposition des lieux.

On dit au porte-croix du Légat, et cet officier dit à son patron qu’il était question d’un Gentilhomme du pays que le Comte de Vendôme avait fait condamner à mort, et qu’on allait amener de sa prison du château, parce qu’il devait d’abord faire amende honorable à la porte de cette église. Le Prélat descendit précipitamment de sa mule et fut s’installer sur un échafaud qui n’était guère élevé que d’une toise au-dessus du sol de la place, ainsi qu’il appert de notre vieux tableau ; c’était là que le prisonnier devait proférer son acte de résipiscence ; et remarquez bien que ce Cardinal-Archevêque, ce patriarche, âgé de 26 ans, qui n’avait peut-être rien mangé depuis 26 heures, était pourtant venu (primesautièrement) siéger et s’établir sur cet échafaud pour exhorter, pour assister et pour absoudre, in articulo mortis, un homme inconnu ! C’est un exemple entre cent mille, et vous voyez comment le haut clergé manquait à la charité chrétienne, et comme on était dépourvu de sentimens d’humanité dans ce temps-là. Croyez-en donc sur le chapitre des Légats, et surtout des Prélats français qui ne s’acquittaient jamais des obligations de leur état, croyez-en donc ce maître fourbe appelé Jean Calvin, comme aussi MM. d’Aubigné, Jurien, Mornay du Plessis et autres écrivains calvinistes.