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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ma signature. On vient de vous condamner à rembourser vos emprunts au lieu d’en payer la rente, et vos terres sont substituées ; mais on a toujours dit que j’avais pour cinquante millions de biens libres ; comment ne vous en êtes-vous pas souvenu, et comment vos gens d’affaires ?… Mais ne parlons pas de ces misérables gens qui sont la cause d’une pareille contrariété pour vous ! En nous mariant ensemble, on a dû penser naturellement que ma fortune devait être à vos ordres. Vous êtes l’aîné de la maison de Rohan, mon Prince, et si vous n’étiez pas mon mari, je ne vous laisserais pas dans l’embarras. Permettez-moi de vous dire que, dans cette occasion-ci, votre conduite a été d’un ridicule inconcevable.

Rien n’était certainement plus désintéressé que cette brave et digne femme, et rien n’était si noble et si judicieux que tout ce qu’elle venait de dire avec son gros bon sens.

Comme au premier bruit de cette méchante affaire, tous les autres Rohan s’étaient mis à boursiller dans l’intérêt de leur parent, ils n’avaient pas eu grand’peine à reunir seize cent mille francs, pour envoyer à l’hôtel de Soubise, où tous les quartiers de rentes échues avaient été payés ; mais il n’avait pas fallu moins que cette somme d’un million six cent mille livres. Voyez la belle imposition sur une fortune, et ceci pour affranchir la seigneurie de Joyeuse et celle de Montbazon, de je ne sais quelle obligation qui ne s’élevait pas à plus de soixante mille livres de redevance annuelle. Allez donc vous en rapporter à des gens d’affaires,