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SOUVENIRS

Quand les députés du côté droit se furent séparés de la majorité de l’Assemblée, les honnêtes gens n’osèrent pus aller se placer dans les tribunes, où, du reste, ils n’auraient pas trouvé sûreté pour eux. Je ne saurais dire que ce fut une contrariété pour moi, et si c’était une privation, je n’y fus guère sensible, attendu qu’aucun orateur de l’Assemblée ne m’avait satisfait. L’Abbé Maury provencialisait à nous en faire honte ; M. de Cazalès n’était qu’un orateur de la seconde classe, et son parler ductilement gascon ne me déplaisait pas beaucoup moins que l’accent rude et martelé de son compétiteur Venaissin. Les meilleures choses ne me font jamais assez d’impression quand elles sont mal présentées, mal énoncées, mal dites, et je m’en accuse. Si j’avais à porter un jugement sur le talent de nos autres défenseurs à l’Assemblée nationale, je vous dirais que l’un d’eux n’était qu’un phrasier sans consistance, et qu’il mâchait toujours à vide, et qu’il n’attrapait de temps en temps quelques idées qu’à la pointe de l’esprit. Je vous dirais d’un autre député de notre côté droit, que c’était un véritable orateur de restaurateur ; mais je ne sais comment ni pourquoi j’en garde rancune à ces bons messieurs ; car, en vérité, tous les talens, toute la science et la sapience infuse, auraient fini par échouer sur cet inévitable écueil où la fatalité nous entraînait.

Il y avait dans ce qu’il était convenu d’appeler l’éloquence de M. de Mirabeau quelque chose qui m’était insupportable, et ceci n’était pas autant le mépris qu’il y témoignait pour les autres, que la bonne opinion qu’il y montrait de lui-même, avec