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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

nation avait prêté serment d’obéissance et de fidélité à la nation, ce qui ne laissait pas que d’être une précaution bien rassurante ! — Hélas ! hélas ! disais-je à mes pauvres neveux du Châtelet et de Tessé, le vice était dans quelques abus, et vous l’avez mis dans les lois ; si j’étais la maîtresse de choisir entre la domination de votre Assemblée nationale, et celle d’un czar ou d’un padicha, comme celui des Moscovites ou des Mahométans, mon choix ne serait pas douteux, car un seul tyran doit tout craindre, et douze cents despotes peuvent tout oser. On a dit avec raison qu’il était moins affreux d’être tué par un lion que dévoré par un million de rats. — Ils se regardaient tristement et ne répliquaient rien. Le temps des illusions était fini pour eux, et celui des malheurs allait commencer. Quand on est en bas, que la justice d’en haut paraît quelquefois sévère !… Pauvres enfans égarés ! Le Duc du Châtelet, ce noble jeune homme à qui j’avais servi de mère ! il avait l’esprit si fier, avec l’âme si haute et le cœur si bien placé ! Et son ami Custine, le jeune Custine, qui avait tant de raisons pour aimer la vie ! Et le Vicomte de Beauharnois, dont on avait tant parlé pour sa grâce accomplie, sa bravoure et son urbanité charmante ; enfin, ce malheureux Lauzun, car il n’a jamais été le Duc de biron ni le Général Biron, pour sa famille et pour moi ; notre pauvre Lauzun, que nous avions connu si beau, si généreusement courageux et si gracieusement magnifique ! Quelle horrible mort et quels regrets pour avoir été la provoquer, quels remords, peut-être ?… Mais patientons, âmes chrétiennes, ainsi