Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/14

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sait qu’elle ne les redît jamais à moins qu’on ne la priât de les répéter ? – Mais ce doit être par instinct, répondit-elle.

Il y a long-temps que je voulais vous parler de Mme de Beauharnois, mais c’est qu’il y a long-temps que je ne l’avais vue, et voilà ce qui m’arrêtait, parce que je travaille en conscience pour vous[1].

La Comtesse de Beauharnois est la femme de France qui cause le plus agréablement et qui parle le mieux, avec une correction noblement naturelle, et facilement élégante c’est la personne du monde qui s’entend le mieux et qui réussit le plus sûrement à ménager tous les amours-propres, en évitant de les flatter aux dépens de sa véracité, qui est admirable ; je vous assure que ses innocentes manœuvres, en ces occasions-là sont une chose curieuse à considérer. Supposez qu’on vienne quêter auprès d’elle un compliment littéraire et que sa conscience ne lui fournisse aucune matière à félicitation, elle hésite en rougissant comme une jeune fille, elle change de

  1. Marie-Françoise Mouschard de Chaban de Menneval, née à Paris en 1741, mariée en 1757 au Comte de Beauharnais et des Roches-Baritant, Lieutenant-Général des armées navals, etc. Depuis la suppression des titres féodaux et nobiliaires, plusieurs ouvrages de cette Dame ont été publiés sous le nom de Mme Fanny de Beauharnais. Elle est morte à Paris le 2 juillet 1813. On voit dans un article nécrologique, publié dans les journaux du temps, que la Comtesse de Beauharnais avait été frappée comme d’un coup de foudre en apprenant inopinément la mort de la Duchesse de Brissac qui était son intime amie depuis un demi-siècle, et cet article appliqué à Mme Beauharnais ce mot de Thalès à la veuve d’Hyrax : « Vous étiez digne de mourir de douleur. »
    (Note de l’Éditeur.)