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SOUVENIRS

ma course. J’ai grand’peine à marcher vitre et droit à présent. Laissez moi respirer jusqu’à demain matin, passé neuf heures, et je vous dirai comment j’entrepris de me débattre contre mon dénonciateur, avec l’assistance de ce digne M. de Létang, l’oncle de M. de Pastoret[1].

  1. Claude-Emmanuel-Joseph-Pierre, Marquis de Pastoret, Chancelier de France et Chevalier des Ordres du Roi, est né à Marseille, en 1756, d’une ancienne et très noble famille parisienne. Roger Pastorret, qui soutint, au Parlement de Paris, de concert avec Pierre de Cagnières, les franchises du royaume contre certains prétentions étrangères ; un autre Jean, petit-fils de ce dernier, lequel, après avoir contribué à remettre Paris sous l’obéissance de Charles V, devint l’un des membres du Conseil de Régence pendant la minorité de Charles VI, avaient donné à cette ancienne famille de magistrature une sorte d’éclat qu’elle perdit à l’époque des guerres d’Italie, lorsque ses membres s’arrêtèrent et se laissèrent oublier au fond d’une vallée de Provence. Le père de M. le Chancelier était Lieutenant particulier de l’Amirauté du Levant. Il avait, dès l’enfance, destiné son fils à la magistrature, et celui-ci fut reçu, à 24 ans, Conseiller du Roi en sa cour des aides de Paris. Il devint Maître des requêtes de l’hôtel du Roi en 1788, fut Procureur-Général syndic du département de Paris en 1789, lorsque les électeurs, réunis pour la première fois, eurent à choisir entre Mirabeau et lui, et devint député de Paris à l’Assemblée législative. Là, ses opinions, favorables un moment aux changemens qu’avait trop vivement demandés la magistrature, se modifièrent aussitôt qu’il vit la réforme devenir une révolution sans mesure et sans avenir. Il y résista de tout son pouvoir, soit à la tribune, ou dans les comités ; il essaya d’éclairer le Roi sur ses dangers, et, tout en refusant le ministère, auquel il avait été deux fois appelé, parce qu’il ne put obtenir du Roi la liberté d’agir avec la promptitude et la vigueur qu’il croyait indispensables au rétablissement de l’autorité royale, il se déclara constamment pour les principes de devoir et de fidélités sans les-