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SOUVENIRS

Voilà encore une impunité scandaleuse qui fait l’éloge de la lanterne ! Il est certain que Marat n’aurait pas mieux dit.

Il y avait encore à la hauteur de St-Roch, entre la petite porte de l’hôtel de Breteuil et le portail du Manége, un groupe de forcenés qui criaient : — Vive la nation ! — Du pain ! — De l’ouvrage ! — À bas les nobles ! — À la lanterne ! À la lanterne ! Et c’était, disaient-ils, une députation des soixante-quinze mille ouvriers de Paris qui manquaient d’ouvrage et de pain. Toute la rue St-Honoré s’en trouvait tellement encombrée qu’on n’y pouvait aller qu’au pas. Enfin j’arrive, et l’on m’introduit dans une chambre du rez-de-chaussée, où je trouvai M. Roberspierre achevant sa toilette.

Il était déjà poudré sur un crêpé des plus raides, il était dans une robe de chambre en toile de Perse et doublée de taffetas bleu ; il avait des bas de soie chinés rose et blanc ; des boucles de souliers d’or ou dorées, avec des pointes de strass ; enfin dans le milieu de la chambre, il y avait une jeune fille, assez jolie, qui tenait la cravate de ce législateur, morceau d’organdie fort empesé, très ample, et brodée en soie des trois couleurs. Elle alla déposer cette belle cravate sur une table, aussitôt qu’elle me vit entrer, mais elle alla chercher deux autres affiquets pour les présenter à son maître, et c’était deux montres d’or, ajustées avec des chaînes d’une longueur démesurée[1]. Ce prévoyant et soupçonneux

  1. M. Suleau avait découvert dans un Almanach des Grâces,