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SOUVENIRS

révolutionnaire, en dépit de tout ce que Fouquier-Tinville avait pu dire. L’Abbé de Fénelon, parce que tous les ramoneurs et décroteurs de Paris l’avaient suivi jusque dans la salle d’audience, en pleurant et disant que c’étaient leur père, et parce que tout le peuple avait crié grâce, en disant que c’était l’Évêque des Savoyards[1]. Le Père Guillou, c’était parce qu’en entrant dans ce coupe-gorge, il tenait un grand crucifix serré sur sa poitrine, en chantant le vexilla regis de toute sa force ; ensuite de quoi il s’était mis à se déchausser pour leur montrer les stigmates de ses pauvres pieds, comme celles de ses vénérables mains, en leur disant qu’il ne craignait nulle autre chose que les artifices du démon ; qu’il n’avait jamais eu frayeur des hommes, si méchans qu’ils fussent ! Enfin qu’il avait enduré le supplice de la croix pour avoir prêché le saint Évangile de Dieu au Japon (ce qui était l’exacte vérité) ; mais que Notre Seigneur avait bien voulu toucher le cœur

  1. Jean-Baptiste-André de Salignac de la Motte-Fénelon, arrière neveu de l’auteur de Télémaque, et fils du Marquis de Fénelon, Ambassadeur en Hollande, et Chevalier des ordres du Roi. Par excès d’humilité chrétienne, l’Abbé de Fénelon avait refusé l’épiscopat à plusieurs reprises et notamment en 1742, époque où le Cardinal de Fleury l’avait fait nommer à l’Archevêché de Besançon, quoi qu’il ne fut âgé que de 28 ans. Il avait également refusé l’Évêché-Pairie de Châlons-sur-Marne et l’Archevêché de Bordeaux en 1759. Il s’était dévoué spécialement à l’éducation religieuse et au soulagement des pauvres enfans originaires de la Savoye et des montagnes d’Auvergne, qui, jusqu’à lui, s’étaient trouvés abandonnés sur le pavé de Paris. Il était le filleul de ma tante de Breteuil et quand il est mort, en 1794, il était âgé de 71 ans. (Note de l’auteur.)