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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Un matin, en remontant dans notre chambre, nous n’y trouvâmes plus que sa cassette, et le geôlier vint une heure après pour chercher les effets qu’elle avait laissés. Mme Buffot lui demanda témérairement si c’était qu’elle n’allait pas revenir avec nous ? Il répondit à cela par un geste du tranchant de la main sur sa nuque ; ensuite il défonça la cassette, où il ne se trouva qu’une chemise d’homme toute sanglante, et dont le col avait été coupé, comme on fait pour les apprêts d’une exécution capitale. Ensuite, il en tira une poignée de cheveux d’un beau noir, avec un petit papier sur lequel il y avait écrit : pour ma mère. Notre geôlier ne voulut pas nous dire le nom de cette malheureuse femme et nous n’avons jamais su quel était son malheureux fils.

Pendant la nuit, ou si l’on veut le jour suivant, car il était environ deux heures du matin, on vint lâcher dans notre chambre une manière de petit jockey qui se mit à protester de son républicanisme, et qui dit au geôlier de lui faire monter du vin de Champagne. Comme le geôlier l’avait appelé ma petite citoyenne, et comme sa colère ou son altération lui faisaient proférer des juremens épouvantables et continuels, voilà Mme d’Esparbès qui prend la parole et se met à lui dire : — Écoutez donc, Monsieur, Madame, Mademoiselle, car nous savons pas ce que vous êtes, et je suis bien aise de vous apprendre qui nous sommes ; ayez donc l’honnêteté de ne pas faire un pareil vacarme dans notre chambre, et, sur toute chose, ayez la politesse de ne pas jurer devant nous. Vous vous trouvez ici par devant Mme Buffot, s’il vous plait ! avec la Marquise de