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SOUVENIRS

en temps de révolution ? Bienheureux quand on n’a pas à souffrir d’autres iniquités que celles de l’usurpation nominale !

Un beau matin, pendant la distribution du lait et du pain dans la cour de la maison d’arrêt, comme on disait alors, nous y vîmes arriver une forte députation de la Comédie française. Tous ces pauvres gens nous dirent qu’ils venaient d’être envoyés en prison par ordre du comité de salut public, parce qu’ils avaient joué Paméla, et que, dans cette pièce d’origine anglaise, un d’eux avait arboré la plaque de l’ordre du Bain, ou celle de la Jarretière, je ne sais plus laquelle des deux. Mlle Contat trouvait toujours quelque chose de spirituel et de respectueux à nous adresser quand elle nous rencontrait sur les escaliers ; et c’était visiblement une ingénieuse et gracieuse personne. Mlle Raucourt nous faisait des révérences de théâtre, en nous donnant exactement nos titres et qualifications, et la jolie petite Mlle Mézeray, qui riait toujours, était sans cesse à polisonner avec des enfans dans les corridors. Elle couchait tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, et quelquefois dans un grand vase de marbre où elle se laissait couler comme dans un entonnoir. Elle avait seulement de la peine à s’y réchauffer, la pauvre fille, et je lui fis donner une de mes couvertures, parce qu’on avait mis le scellé sur toutes les siennes.

J’avais eu le bonheur d’inspirer une sorte de prédilection à la citoyenne Longand, femme du concierge, et Dupont n’avait rien négligé pour entretenir sa disposition favorable à mon égard. Elle avait pris sur elle de me faire avoir une chauffe-