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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

États-généraux ! et la convocation des États-généraux fut résolue par l’influence et les intrigues de M. Necker.

Étant bien prévenu de l’état des esprits, et surtout dans la classe bourgeoise où l’incrédulité moderne et la vanité philosophique avaient fait un ravage affreux, ce mauvais ministre avait manœuvré de façon que la représentation du troisième Ordre avait été portée au double de ce qu’elle devait être en bonne justice et légalité coutumière ; mais quand on fut averti de cette combinaison funeste, il n’était plus temps de la déjouer. Il en résultait que le nombre des députés du tiers-état devait surpasser les deux nombres réunis des représentans de la Noblesse et du Clergé, dont les déterminations se trouveraient asservies à celles de la roture. M. Necker disait pour ses raisons que la bonne intention, les lumières, la prudence et la capacité des gens du troisième Ordre n’étaient pas douteuses. Nous avons eu la satisfaction de les voir à l’œuvre, et nous avons éprouvé leur aptitude à bien arranger les affaires du Roi, les affaires de la Noblesse et du Clergé, et même leurs propres affaires. Il ne s’agissait pourtant que de faire face à cinquante-six millions de rente, et le tiers-état nous a fait banqueroute, après avoir absorbé détruit ou gaspillé des valeurs équivalentes à quatre ou cinq milliards de livres, en dix-neuf mois. C’est la moindre chose que nous ait fait endurer l’Assemblée nationale ; mais il ne faut pas que je vous mène si vite et nous allons procéder par ordre.

Ce fut le 5 mai 1789, que l’Assemblée des États-généraux fut ouverte, à Versailles, après cent