Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ne dit pas à son mari, quand elle est bonne, et surtout quand il est Roi. Je puis vous assurer que ce restant de confiance et de considération pour un prince de son sang, disposition qui subsistait encore chez Louis XVI en 1789, et qui résistait, au fond de son cœur de Roi, contre un décri général et de particuliers griefs en multitude ; soyez assuré, vous dis-je, que ce reliquat de bonne volonté pour son cousin d’Orléans n’avait tenu, jusqu’ici, qu’à la délicatesse et à la parfaite discrétion de la Reine…

Cette princesse avait souvent des aperçus lumineux ; elle avait dans les idées plus d’élévation que de profondeur, peut-être ; mais on y trouvait de l’étendue dans une autre direction qu’on pourrait nommer l’horizontale, c’est-à-dire au niveau de l’œil humain ; et pour apprécier exactement toute sorte de choses où son regard pouvait atteindre, si minimes et si loin qu’elles fussent devant elle, et fussent-elles au bout de son horizon, la clairvoyance de la Reine était sans pareille ! Elle y mettait (dans ses idées) de la vivacité, de la méthode et de la suite. Elle était capable d’une grande persistance ; elle était susceptible de résolution courageuse ; enfin cette Princesse avait de la tête et du cœur, mais les bras lui manquaient, pour ainsi dire, et j’ai toujours vu que, dans ses meilleures combinaisons de justice et d’autorité, les ministres et les principaux conseillers du Roi, son mari, lui faisaient défaut du côté de l’intelligence et de l’énergie. Au reste, et je n’en serai démentie par aucun de nos contemporains, je ne crois pas qu’il y ait jamais eu des ministres plus incapables et des conseillers plus mal