Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/92

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nuit du 5 au 6 décembre 1800 un jeune émigré, gentilhomme breton et nommé de Limoëlan. Il est resté claquemuré dans votre petit appartement à l’hôtel de Créquy pendant plus de trois semaines, et je vous prie de ne pas oublier ceci.

Deux jours après, Mlle  de Cicé me fit demander place pour un gros Chanoine d’Auxerre à qui personne ne devait songer malgré qu’on eût mis sa tête à prix disait-il, et je pensai que ce devait être au rabais ?… Mais à la réserve de votre chambre où se tenait le jeune émigré, toutes les autres pièces disponibles étaient en réparations et remplies d’ouvriers matineux.

Je pensai que ce gros abbé ne devait pas courir grand risque, et je le fis reconduire, après souper, chez Mlle  de Cicé, dans la rue Cassette, à côté de l’hôtel Lecamus, et porte à porte avec la Princesse Stéphanie-Louise de Bourbon-Conty-Montcairzin, qui passait toutes les nuits deux ou trois heures a sonner de la trompe avec le petit Colibois. Vous savez ? ce joli petit piqueux joufflu, qui était le filleul de votre mère. Elle avait débauché ce garçon (la Montcairzin bien entendu) pour lui faire donner du cor de chasse, et c’était un bruit dont Mlle  de Cicé se consolait d’autant moins qu’il empêchait ses pauvres émigrés de s’endormir. — Ils n’ont que ce temps-là de bon disait-elle, et l’on dirait que cette aventurière est poussée par le démon pour les empêcher de fermer l’œil, et les tourmenter ?

Il est bon de vous dire a présent que le gros chanoine était si cruellement troublé par ce vacarme des trompes à l’hôtel Lecamus qu’il ne voulut pas