Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/95

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cent trente jacobins qui les offusquaient de préférence, on n’entendit plus reparler des montagnards et des terroristes à propos de la machine infernale, et le gouvernement changea de batterie pour en diriger l’effet et le profit d’un autre côté. La transition fut si brusquement exécutée qu’il en résulta de l’incertitude à l’égard de la culpabilité des jacobins ; ensuite il arriva que Fouché se mit à débiter sur les royalistes absolument les mêmes choses qu’il avait publiées contre les autres, et du reste il est avèré, pour moi, que Buonaparte était déjà dans sa loge à l’Opéra, rue de Louvois, lorsque cette machine avait éclaté dans la rue Saint-Nicaise, au coin de la place du Carrousel ; ainsi vous voyez que le véritable auteur de ces machinations était plus dangereux pour les citoyens de Paris qu’il n’était mal intentionné contre la vie du conquérant de la paix ; car en vérité, Buonaparte n’avait couru d’autre danger que celui de se tromper d’heure, ou celui de verser en voiture.

Tant il y eut de rouerie politique en tout ceci, qu’on se mit à faire la guerre aux royalistes et la chasse aux émigrés, avec une affectation d’ardeur où l’on démélait aisément l’intention de faire prendre le change à l’opinion publique et peut-être même au chef du gouvernement, car il est possible que Buonaparte ait été la dupe de Fouché qui nourrissait une haine invétérée contre les prêtres et les nobles. Les prisons n’en furent pas moins encombrées que sous le régime de la Convention, et ces rigueurs consulaires atteignirent les personnes les plus pacifiques du monde. J’ai presque dit les plus