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pour son orgueil de s’apercevoir qu’il attachait tant d’importance à ce qu’il désignait sous le nom collectif de mobilier et de table. Un peu humilié de lui-même et faisant tout son possible pour ne pas augmenter cette humiliation, un abattement extrême s’empara de lui. Il fut pris de l’envie de s’échapper de la maison, de renoncer à la visite projetée, de retourner chez lui, et là, de remettre ses plus vieux habits et de retravailler furieusement à quelque chose, n’importe à quoi. Sans le retour opportun de sa cousine, il serait parti.

Elle était en toilette, et souriante comme de coutume. L’expression de George avait, changé en entendant remuer la serrure, et il aurait fallu que Mme  Sherrington Trimm fût plus fine encore qu’elle n’était pour deviner ce qui s’était passé dans l’esprit du jeune homme. Elle était loin du reste d’être en humeur d’observation, tout entière au sentiment d’orgueil que lui inspirait sa propre habileté dans la direction de l’âme de son cousin. George prit son chapeau et se leva vivement. Il n’y avait, en somme, rien d’essentiellement désagréable pour lui dans la perspective d’être présenté à deux jolies sœurs, qui sans doute étaient prévenues de sa visite, et il oublia vite ses vieux habits et le travail auquel il songeait tout à l’heure.

Le soleil de l’après-midi répandait sa lumière en larges plaques dorées à travers l’Avenue des rues de l’Ouest. C’était encore l’hiver, mais l’air contenait déjà la promesse du printemps, et une légère brume s’étendait sur les rangées de constructions qui semblaient interminables. Les arbres étaient encore loin de bourgeonner, mais les branches dénudées n’avaient plus l’air d’être mortes, et, sous la nouvelle sève, les petites brindilles commençaient à s’arrondir, reluisantes. Totty