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ciété, continua Mme  Trimm d’une voix très douce.

— Il ne s’agit, n’est-ce pas, que d’un silence charitable ?

— Non, pas toujours. Il est charitable aussi de parler avec bienveillance des gens qu’on hait.

— C’est ce que j’appelle mentir, » observa George.

Totty parut choquée d’une aussi rude sincérité.

« C’est une expression beaucoup trop forte, répondit-elle d’un air onctueux.

— Mensonge gratuit, reprit son compagnon. Le mot « mentir » n’est pas, je m’imagine considéré comme un juron ?

— Non… Mais après tout, George, continua Mme  Trimm avec une ferveur subite, il y a souvent de très bonnes choses à dire sur des gens que nous n’aimons pas, et il est certainement charitable et magnanime de les dire en dépit de nos sentiments personnels. On peut très bien ne pas tenir compte des choses désagréables.

— Satan est un ange déchu. Vous le haïssez, bien entendu. Si par hasard il se trouvait dans le monde, vous supprimeriez le détail de la chute et vous diriez que c’est un ange. Est-ce bien cela ?

— À peu près, dit en riant Totty, moins choquée de parler du diable que d’entendre appeler le tact un mensonge. Je crois que vous réussirez dans le monde. À propos, encore un point important. Il ne faut jamais parler de culture intellectuelle, de livres, et autres choses de ce genre, à moins que quelque célébrité reconnue ne commence. Cela va de soi, d’ailleurs : car vous n’aimeriez pas, je suppose, sentir que vous abordez des sujets que les autres ne comprennent pas ?

— De quoi parlerai-je alors ?

— Oh !… de bien des choses,… d’autrui… de che-