Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANTS DE DEVELOPPEMENT 201

peut naître que lorsqu'une grande partie du public en vient, par une éducation littéraire avancée et dé- licate, à chercher l'auteur dans son œuvre et à s'in- téresser à tout ce qui dislingue sa manière. A l'ori- gine des littératures, rien de pareil n'a lieu : l'auteur n'est rien, et l'œuvre est tout. Tout le monde indis- tinctement conspire à l'étendre et à la compléter, aussi bien ceux qui l'écoutent que ceux qui l'inter- prètent. Un récit n'est alors pour les auditeurs qu'une série d'événements qui les touchent et les passionnent. Ils ne demandent qu'à y voir appa- raître des scènes nouvelles qui en augmentent et en multiplient Teffet ; et les chanteurs, qui le redisent les uns après les autres, trouvent leur intérêt et leur plaisir à satisfaire en cela leur public. Appliquons cela aux Homérides : ayant, pour ainsi dire, dans leur domaine de famille la source de cette poésie nouvelle qui enchantait alors tous les habitants des villes ioniennes, comment l'auraient-ils fermée de leurs propres mains ? D'autres sans doute, à côté d'eux, continuaient à mettre en œuvre l'ensemble de la légende héroïque : Vllinde^ nous l'avons remar- qué, laisse deviner, en maint passage, l'existence de chants contemporains étrangers au cycle troyen. Rien ne prouve que les Homérides eux-mêmes aient absolument dédaigné ces sujets communs; mais les chants relatifs à la colère d'Achille étaient leur gloire, et ils les préféraient. N'oublions pas d'ailleurs que les Grecs n'ont jamais conçu la nouveauté litté- raire tout à fait à notre manière. Les poètes cy- cliques, dont nous aurons à parler un peu plus loin, ont cru faire du nouveau en complétant Y Iliade et VOdyssée^ quand ces deux poèmes furent consti- tués. Après eux, les poètes lyriques furent nova- teurs aussi en traitant les sujets que l'épopée avait

�� �