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CHANTS DE DEVELOPPEMENT 205

parait devoir son origine à la tendance que je si- gnale ici^

Un autre niolif dont rinflucnce n'a pas été moins grande dans l'extension des chants primitifs de V Iliade, c'est le besoin de compléter les parties déjà existantes ; niolif qui devint naturellement de plus en plus fort à mesure que le groupe toujours gros- sissant apparut davantage comme un ensemble.

Ce besoin prit d'ailleurs plusieurs formes. Une des plus curieuses, ce fut le désir de justifier cer- taines allusions apparentes des chants antérieurs. Souvent les premiers aèdes, obéissant à ce goût de précision qui est si naturel à la poésie grecque, avaient imaginé à titre d'exemples dans les discours fictifs de leurs personnages des faits de pure inven- tion qui étaient censés s'être accomplis précédem- ment. C'est ainsi qu'Andromaque, dans son entretien avec Hector, rapporte, pour l'engager à ne pas sortir de la ville et à défendre le rempart, que trois fois déjà les Achéens ont donné l'assaut au même en- droit'. Non seulement cet assaut ne figure pas dans V Iliade, mais il n'y a rien absolument dans les autres chants qui se rapportent de près ou de loin à quel- que chose de semblable. C'est donc une fausse allu-

��1. Il est à remarquer que les Grecs n'ont jamais cessé dégrossir ou de retoucher ainsi leurs récits primitifs pour les rendre plus merveilleux ou plus romanesques. Lorsque l'on compare les lé- gcndcsy telles qu'elles figurent dans l'épopée, avec les mêmes légendes, telles qu'on les trouve chez les mylhologues alexandrins ou byzantins, on s^aperçoit de l'importance de ces additions et de leur nature. Il serait fort extraordinaire que la poésie épique, au temps de sa croissance la plus active, eût échappé à cette tendance.

2. Le fait est même rapporté avec quelques détails et les noms des héros achéens qui y ont pris part sont mentionnés; YI, V. 433-437.

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