Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LA RACE GRECQUE ET SON GÉNIE

qu’il ne trouve quelque bon mot à dire[1]. » Il suffit d’ailleurs d’opposer au génie original de la Grèce le génie d’un peuple étranger, celui de Rome par exemple, pour sentir combien la qualité dont nous parlons est vraiment hellénique. L’esprit romain est sage et fort, naturellement judicieux et précis, mais sa précision même n’a pas l’acuité de l’esprit grec. Plus assuré par là contre les entraînements téméraires de la logique ou les subtilités du raisonnement, combien en revanche il est moins pénétrant !

C’est grâce à cette finesse que les Grecs ont été si tôt et si longtemps des maîtres dans l’analyse morale comme dans le raisonnement. C’est par là aussi qu’ils sont devenus si aisément des sophistes durant certaines périodes de leur histoire, et qu’il y a eu souvent quelque chose de trop ingénieux chez leurs plus grands écrivains. Il leur a toujours été plus facile qu’à d’autres de dégager vivement des idées justes, d’apercevoir et de mettre en lumière les côtés les moins apparents des choses, mais aussi ils ont toujours eu quelque peine à ne discuter que ce qui mérite d’être discuté, à ne chercher que ce qui vaut la peine d’une recherche.

En même temps qu’ils pensaient finement, ils concevaient avec netteté. Les Grecs ont été un peuple d’imagination, mais ils ont cela de commun avec beaucoup d’autres races. On peut croire sans témérité que dans la tête d’un Indou, d’un Scandinave ou d’un Germain, il y a eu généralement autant d’images, et celles-ci aussi fortes, aussi vivantes, que dans la tête d’un Grec. Mais ce qui est propre à la façon de concevoir de ce dernier, c’est que toutes

  1. Cicéron, in Verrem, II, 43. Nunquam tam male est Siculis, quin aliquid facete et commode dicant.