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596 CHAPITRE XIII. — FIN DE L'AGE EPIQUE

Quelle que fut l'action, Margitès s'en allait donc à tra- vers la vie en s'achoppant à toutes les pierres et en donnant de la tôte contre tous les murs ; c'était, pour ainsi dire, l'antithèse vivante d'Ulysse. Le génie grec s'était offert en celui-ci le spectacle de l'intelligence déliée, pratique, prête à tout, manifestant les qua- lités dont il était le plus fier ; il s'amusait à présent àconsidérerdans l'autre les défauts les plus opposés. L'élément satirique, qui apparaissait à peine dans l'ancienne épopée sous les traits de Thersile, s'était dégagé complètement et devenait épique à son tour dans ce récit nouveau qu'il remplissait.

Par là même, on ne peut admettre, comme l'anti- quité l'a cru, que le Margitès ait été composé par le premier auteur de Vlliade\ L'âge des grandes inspira- tions héroïques n'est pas celui de la satire, et lors- qu'on se passionne si ardemment pour les héros, on ne descend pas volontiers aux choses ridicules et vulgaires. L'esprit de ce poème, tel que nous pou- vons encore le deviner, appartient manifestement à la période qui commence aux Travaux d'Hésiode et où brille principaleincnl Archiloque. L^n réalisme hardi et vigoureux se mêlait alors à la poésie. Celle- ci se détaehail des choses du passé pour se donner à celles du jour ; la réflexion morale prenait une inleusilé et une aprelé toutes nouvelles ; et tout cela s'associait naturellement à la haute fantaisie aussi vivante que jamais. Le Margitès naquit alors, et, comme pour marquer cette association si frappante de l'épopée à la salire, le poète anonyme qui le conçut y inéla le vers iambiquc, dont la fortune com-

��1. Arist., Poét.y c. IV ; Mor. à Nicom.j VI, 7; à Eudcme, \, 7. Platon, Second Alcibiadcj p. 231. Plularque, Démosth., xxiii, etc.

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