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INTRODUCTION

rale prédominante de la race hellénique ; rien en effet n’intéresse davantage l’histoire littéraire. Des divergences dignes d’attention se sont produites à ce sujet parmi d’éminents critiques. Pour les uns, l’insouciance et la gaieté, voilà le fond du caractère hellénique. « Les Grecs, dit M. Renan, en vrais enfants qu’ils étaient, prenaient la vie d’une façon si gaie que jamais ils ne songèrent à maudire les dieux, à trouver la nature injuste et perfide envers l’homme[1]. » Et ailleurs le même écrivain nous parle de « cette jeunesse éternelle, de cette gaieté, qui ont toujours caractérisé le véritable Hellène, et qui, aujourd’hui encore, font que le Grec est comme étranger aux soucis profonds qui nous minent[2]. » D’autre part, l’auteur du Sentiment religieux en Grèce, M. Jules Girard, qui a senti si profondément l’âme hellénique, prend le contre-pied de ces affirmations. « Il y a eu en réalité chez le Grec, dit-il, un souci de lui-même, de sa condition et de sa destinée, qui s’éveilla en même temps que sa brillante imagination, qui mit dans ses premières œuvres, quelque énergiques qu’elles fussent d’ailleurs, un accent de plainte dont rien chez les modernes n’a dépassé la force pathétique[3]. » Ce qu’il y a de vérité dans cette dernière opinion, nul ne peut sérieusement le méconnaître. Mais si elle représente avec force le résultat d’un examen érudit et attentif, la première résume à grands traits, avec une exagération sans doute volontaire, une impression générale, qui, malgré les corrections indispensables, demeure juste dans son ensemble. Assuré-

  1. Les Apôtres, p. 328.
  2. Ibid., p. 339. Cf. É. Reclus, ouv. cité, p. 64.
  3. Le Sentiment religieux en Grèce, 2e éd., Paris, 1879, p. 6.