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Gl-2 CHAPITRE X. -- HÉRODOTE

inièrc la nouveauté de la composition chez Hérodote *. Les anciens logographes ne composaient pas à propre- ment parler : ils traitaient l'histoire d*une ville ou d'un peuple en particulier, se bornant à mettre les unes au bout des autres les informations quMls avaient recueil- lies dans les temples ou dans les archives. Hérodote, le premier, s*élève au-dessus de cette manière étroite et sèche. 11 embrasse du regard une variété extrême de no- tions, de traditions orales et écrites, de faits anciens et récents. Dans cette diversité si complexe, il démêle un fait principal, une idée à laquelle tout le reste va se subor- donner, celle de la lutte entre les Grecs et les Barbares depuis Crésus jusqiià Xerxès, Par là, pour la première fois, il fait vraiment œuvre d'artiste : d'une matière in- forme, il tire une image vivante; au lieu d'une chroni- que et d'une compilation, il compose une histoire. En- tre la manière d'Hérodote et celle de ses prédécesseurs, il y a une différence analogue à celle qu'Aristote signale Onement ^ entre la composition de VIliade et do VOdijs- sec, fondée sur une idée dramatique essentielle, et celle de toutes les Hrracléides, Théséides ou Perséides dont l'unité ne consiste que dans la continuité des faits d*une seule vie. Chez Hérodote, il y a une action; chez ses pré- décesseurs, il n'y en avait pas.

Mais cette action, d'autre part, se développe sans hâte et sans rigueur. Elle ne court pas vers le dénouement^ comme il arrive dans le drame . elle s'y achemine avec lenteur et liberté, à travers les épisodes et les digres- sions, comme une épopée. C'est encore une remarque d'Hérodote que l'épopée, à la différence du drame, ad- met et aime les développements épisodiques : VOdyssée, après une vive entrée en matière (m médias res), revient en arrière par de longs récits rétrospectifs, enchaîne les

\. Jugement sur Thucydide, c. 5. 2. Poét., c. 8 et 23.

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