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§3

Dans les trois premiers quarts du Ve siècle, les orateurs furent nombreux ; ni les assemblées politiques ni les tribunaux ne manquèrent de vifs débats. De toute cette floraison d’éloquence, il ne nous reste que quelques noms et quelques souvenirs assez vagues, limités d’ailleurs à l’éloquence politique. On comprend en effet que l’éloquence judiciaire, moins capable d’attirer l’attention des historiens, ait péri tout entière. Nous n’avons pas à énumérer ici les noms de tous les personnages politiques qui, ayant joué un rôle dans le gouvernement de la cité, ont dû nécessairement être plus ou moins des orateurs. Mais il en est deux qui dominent de haut tous les autres et qui, par cela même, sont mieux connus. C’est d’abord, du temps des guerres médiques, Thémistocle, puis, dans la génération suivante, Périclès. Il est intéressant d’étudier, sur ces deux exemples, ce que pouvait être un orateurs avant la rhétorique, comment il se formait, à quelle perfection il arrivait, et comment, de l’un à l’autre, le progrès du temps semble correspondre à un progrès analogue de l’éloquence elle-même, à une évolution régulière de l’art. C’est d’ailleurs de leur éloquence uniquement, non de leur vie ni de leur politique, que nous avons à nous occuper.

Thémistocle (533-470) avait laissé le souvenir non seulement d’un grand homme d’État, mais aussi d’un habile orateur. Hérodote et Thucydide l’affirment expressément ; tous les témoignages postérieurs confirment cette tradition[1]. Plutarque raconte que Thémistocle, dès son enfance, aimait à s’exercer à la

  1. Hérodote, VIII, 83 ; Thucydide, I, 138 : καὶ ἃ μὲν μετὰ χεῖρας ἔχοι καὶ ἐξηγήσασθαι οἷός τε. Cf. aussi Pseudo-Lysias, Or. funèbre, 42, Cicéron, Brutus, 17 : quem constat cum prudentia tum eloquentia prætitiæe.