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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

les étrangetés, les miracles romanesques, les métamorphoses ; il y a de l’Ovide à chaque page dans ces hymnes, c’est-à-dire de l’esprit, sans aucun mélange de piété. Il y fait même une place à ses querelles littéraires : l’Hymne à Apollon se termine d’une façon singulière par une allusion mordante à son ennemi Apollonios de Rhodes. Les interprètes s’en sont étonnés ; on a quelquefois supposé que Callimaque avait dû écrire ces vers après coup, dans une révision de son poème ; mais l’hypothèse est inutile : Callimaque se souciait plus de sa grande querelle que du dieu de Cyrène, et il a trouvé l’occasion bonne pour en dire un mot.

L’art de l’écrivain traduit fidèlement son inspiration. — Dans la composition de ses hymnes, il cherche surtout le moyen de dérouler en bon ordre des morceaux où paraîtront son enthousiasme de commande, sa merveilleuse érudition, son habileté à raconter ; et il s’en tire avec beaucoup d’adresse. Il commence d’ordinaire par l’enthousiasme. Viennent ensuite, au hasard apparent des évocations, en réalité dans un ordre chronologique exact, les allusions rapides aux légendes qu’il ne tient pas à développer ; enfin la légende principale, celle où il mettra tout son art, toutes ses politesses à Ptolémée, toutes ses inventions de mythographe érudit et spirituel. La pièce se termine en général par des vœux et des allusions. Il ne faut pas chercher dans cet art de composition l’unité supérieure d’impression qui fait la beauté d’une ode de Pindare : aucun sentiment profond ne domine Callimaque ; il fait une œuvre d’habileté savante, une mosaïque patiente et ingénieuse. — Son style présente le même caractère. Le dialecte des hymnes est d’ordinaire un ionien plus ou moins composite : deux fois seulement, des circonstances particulières l’ont amené à se servir du dorien. Peu lui importe : il est savant, il connaît et manie tous les dia-