Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
CHAPITRE V. — POLYBE

me semblaient pas s’en apercevoir. L’originalité de Polybe fut de voir ce fait immense, de le comprendre pleinement, d’en saisir les causes profondes et d’en mesurer les conséquences. L’homme qui sut faire ces choses semble être d’une autre race que ses contemporains : au milieu de tant de cénacles curieux, bavards et frivoles, il est sérieux, pratique, capable d’action et de réflexion ; c’est un politique et un homme d’État ; il y a en lui du Romain. L’apparition de son œuvre marque une date considérable dans l’histoire de l’esprit grec : c’est la première fois que cet esprit prend vraiment contact avec Rome, c’est-à-dire avec le monde de l’avenir ; et, bien que le génie politique de Polybe soit nécessairement un fait exceptionnel, on peut dire qu’avec lui commence une période nouvelle, où la pensée grecque, trouvant en face d’elle-même quelque chose d’autre et d’également grand, sera conduite à y regarder de plus près.

I

Polybe était fils de Lycortas, l’ami et le disciple de Philopémen, et qui fut stratège de la ligue Achéenne après la mort de celui-ci[1]. Il naquit à Mégalopolis, en Arcadie, entre 210 et 205 sans doute[2]. Il est probable qu’il reçut une éducation littéraire et philosophique di-

  1. Sur la vie de Polybe, notice de Suidas ; nombreuses indications dans Polybe lui-même. — Cf. Fustel de Coulanges, Polybe ou la Grèce conquise (thèse), Paris, 1858. Cf. aussi Susemihl, II, p. 80 et suiv.
  2. Lui-même nous dit (LXIV, 6) qu’il n’avait pas, en 181, l’âge d’être ambassadeur (probablement trente ans ; cf. XXIX, 9, 6). D’autre part, il devait avoir au moins dix-huit ans en 490, s’il est vrai qu’il fit partie, comme le croit Mommsen (Röm. Gesch., 2e  édit, t. II, p. 449), des νεανίσκοι envoyés par la ligue Achéenne au secours d’Eumène contre les Galates (Polybe, XXI, 9).