Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
458
CHAPITRE III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

Et, dans ces notes, elle révèle, avec un éclat un peu crû, une des formes les plus étonnantes qu’ait jamais prises l’énergie humaine. De toutes les productions littéraires de ce temps, c’est peut-être celle qui s’éloigne le plus de la pure tradition grecque. Et pourtant, elle plonge au plus profond de l’hellénisme par ses racines ; mais elle en a infusé la sève dans une sorte de dogmatisme dur, qui n’a presque plus rien de national.

Né au plus tard vers l’an 50 après J.-C. à Hiérapolis en Phrygie, Épictète, nous ne savons trop comment, fut amené à Rome comme esclave et y vécut en cette qualité pendant toute sa jeunesse, sous le règne de Néron[1]. Il y eut pour maître un certain Épaphrodite, qui fut peut-être, sans qu’on puisse l’affirmer, le même que le célèbre affranchi de Néron, mis à mort par Domitien. Nous ignorons s’il eut particulièrement à se plaindre de sa dureté : il n’est aucunement prouvé qu’il ait été estropié par lui, comme le rapporte une anecdote célèbre[2]. Selon Suidas, il devint boiteux dès sa jeunesse par l’effet d’un rhumatisme, ce qui est à coup sûr plus simple et plus vraisemblable[3]. Épaphrodite, d’après ce qu’en dit Épictète lui-même, semble avoir été un médiocre personnage, plutôt qu’un homme cruel[4]. En tout cas, il fit instruire son esclave, ou lui permit de s’instruire. Car ce fut sous le règne de Néron, que le jeune Épictète,

  1. Nous n’avons sur la vie et la personne d’Épictète que des témoignages épars, qui ont été réunis par Schenkl dans son édition des Epicteti dissertationes, p. XIV-XXIII. Voir, en tête du même volume, l’étude sur la vie d’Épictète. Nous nous en écartons surtout quant à la chronologie. Les principaux renseignements proviennent des Entretiens d’Arrien ; mais celui-ci ne semble pas avoir écrit une Biographie d’Épictète, comme on l’a cru longtemps, d’après une phrase mal interprétée de Simplicius, Préface du Commentaire sur le Manuel.
  2. Celse dans Origène, C. Celsum, l. III, p. 368.
  3. Cf. Simplicius, in Enchirid., chap. IX, Χωλὸς ἐκ νέας ἡλικίας.
  4. Entretiens, I, 19, 19 et 26, 11.