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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

discours de Démosthène Sur l’Ambassade[1]. Malgré sa faible santé[2], son courage, bien loin de faiblir dans cette dure épreuve, s’y fortifia au contraire merveilleusement. La misère et le danger lui révélèrent à lui-même œ qu’il y avait au fond de son âme de philosophie latente. Contraint de renoncer à tout ce qu’il avait recherché jusque là, il sentit que rien de tout cela n’était indispensable à un homme de cœur, et sa conception de la vie en fut totalement changée. De rhéteur, il devint philosophe[3]. Pour donner un objet à l’activité de son intelligence, il entreprit d’écrire un livre sur les Gèles, qui inquiétaient alors la frontière romaine du Danube ; et, voulant s’informer d’eux, il se rendit dans les pays avoisinants, en particulier chez les Grecs à demi barbares de Borysthénis[4]. Il semble qu’à certains moments, le ressentiment de Domitien se soit, sinon apaisé, du moins assoupi. Car certaines villes grecques ne craignirent pas d’inviter l’illustre proscrit à venir chez elles[5] ; offres qu’il déclina d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, Dion, non seulement ne fit rien pour fléchir son ennemi, mais il déclare même qu’il écrivit alors contre lui[6].

  1. Philostr., pass. cité.
  2. Or. 45, début. Cf. Photius, 209 : Ἰσχνὸς δ’ ἦν καὶ οὐ μέγας τὸ σῶμα.
  3. Philostrate fait de lui un disciple d’Apollonios de Tyane (Vie d’Apoll., 5, 38) ; mais, d’après son récit, ces relations remonteraient à un temps antérieur à Vespasien, ce qui est inadmissible. Si Apollonios a eu réellement quelque influence sur Dion, ce n’a pu être que sous le règne de Vespasien ou de Titus, ou encore au temps de son exil.
  4. Or. 36 : Ἐτύγχανον μὲν ἐπιδημῶν ἐν Βορυσθένει τὸ θέρος ὁπότε εἰσέπλευσα μετὰ τὴν φυγήν, βουλόμενος ἐλθεῖν, ἐὰν δύνωμαι, διὰ Σκυθῶν εἰς Γέτας, ὅπως θεάσωμαι τάκεῖ πράγματα ὁποῖά ἐστιν.
  5. Or. 44.
  6. Or. 3 : Οὐ γὰρ ὀλίγην οὐδὲ ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ δέδωκα βάσανον τῆς ἐλευθερίας… Ἐγὼ πρότερον μὲν, ὅτε πᾶσιν ἀναγκαῖον ἐδόκει ψεύδεσθαι διὰ φόβον, μόνος ἀληθεύειν ἐτόλμων, καὶ ταῦτα κινδυνεύων ὑπὲρ τῆς ψυχῆς. Cf. Or. 45, début : οὐ θωπεύων αὐτὸν (Domitien), οὐδὲ τὴν ἔχθραν παραιτούμενος,