Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

en fît tous les jours la raison déterminante de sa conduite ; mais, quand il réfléchissait, quand il descendait en lui-même, c’était par elle qu’il se raffermissait. Épictète, dans un entretien que rapporte Arrien, avait bien défini le cynique idéal comme une sorte d’envoyé de Dieu[1]. Cette conception était dans la philosophie du temps : nul n’a dû se la rendre plus familière que Dion, parce que nul alors n’a plus fait pour la réaliser.

Il serait trop long de pousser ici en détail cette analyse, de montrer ce qu’il y avait d’ailleurs d’incomplet dans le rêve moral de Dion et ce qui s’y mêlait parfois de chimère. Quelques mots sur son style suffiront à compléter l’étude sommaire que nous voulons faire de lui.

Le style de Dion a charmé ses contemporains et il n’a cessé d’être admiré tant qu’il y a eu une sophistique[2]. Si cet engouement nous paraît aujourd’hui excessif, ce n’est pas une raison pour méconnaître des mérites très réels. Sans doute[3], il y a, dans ce style, de la manière ; c’est celui d’un homme qui s’est étudié une partie de sa vie à faire valoir des choses insignifiantes, et qui, transformé en philosophe, continue à abuser de son esprit, par habitude. Ses comparaisons notamment, dont Philostrate s’émerveille[4], et qui sont en effet presque toujours fines et amusantes, non seulement deviennent monotones par leur abondance, mais trahissent leur origine sophistique soit par leur ingéniosité excessive, soit par la complaisance avec laquelle l’orateur les dé-

  1. Entretiens, III, 22.
  2. Jugements de Philostrate, de Themistios, de Synesios.
  3. Voir en particulier, à ce point de vue, l’Euboïque, qui est le roman pastoral du stoïcisme dans sa première partie, et qui offre, dans la seconde, des vues de réforme sociale très peu pratiques.
  4. Phil., ouv. cité : Σοφιστικώταται δὲ τοῦ Δίωνος αἱ τῶν λόγων εἰκόνες. Cf. Photius, pass. cité : Ἀριστος δὲ τοῖς παραδείγμασι καὶ πολύς ἐστι πανταχοῦ, etc.