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PLUTARQUE ; FORMES DE SES ŒUVRES

À côté de la dissertation et du dialogue, la troisième grande forme littéraire dont Plutarque fait usage est celle de la biographie, et il n’en est aucune qu’il se soit rendue plus personnelle. Mais le mérite littéraire des Vies tient trop étroitement à la matière même dont elles sont faites pour qu’il soit possible de l’étudier ici séparément ; nous y reviendrons un peu plus loin. Contentons-nous de dire, dès à présent, que le talent de raconter est un de ceux que Plutarque possède à un degré remarquable, et qu’il le manifeste dans tous ses écrits, quelle qu’en soit la forme. Car, dans tous, on trouve, presque à chaque page, des narrations variées, depuis la simple anecdote jusqu’au récit historique proprement dit. Il y excelle par une manière naturelle, aisée, qui devine les sentiments, qui les explique et les peint à la fois, sans affectation de vivacité ni de concision, mais sans longueur, surtout par sa sympathie pour tout ce qui est humain et par l’absence complète de rhétorique. Il décrit peu. L’extérieur des choses ou l’allure des personnages n’est pas ce qui le frappe ; son imagination est médiocre. Mais, au lieu du dehors, il voit le dedans, ce qui vaut mieux. Il est moraliste, partout et toujours, sans prétention, et peut-être sans beaucoup de profondeur, mais avec sens et finesse, avec grâce, aimablement.

Qu’il ait cherché à plaire, cela ne peut être mis en doute. Et toutefois, dans ce siècle de sophistique, il faut le louer de sa simplicité. Nul n’a été plus ingénument préoccupé de la vérité. Ce qu’il peut avoir parfois de bel esprit, de légère affectation, ne vient jamais de la recherche ; c’était le ton de la société où il vivait, il n’a pu s’en débarrasser entièrement. Au fond, il aime les idées justes pour elles-mêmes, et le bon goût est à ses yeux une des formes de l’honnêteté. Essayons de montrer tout ce qu’il y a de sincérité dans ses écrits, et com-