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PLUTARQUE ; SA DOCTRINE FONDAMENTALE

rance. Plutarque a voulu connaître à fond les autres doctrines, et il les a examinées jusque dans le détail. Cet examen a fait de lui un adversaire décidé des Stoïciens et des Épicuriens. Contre les premiers, il a composé le traité Sur les contradictions des Stoïciens (Περὶ στωικῶν ἐναντιωμάτων) et celui où il prétendait démontrer Que les paradoxes des Stoïciens dépassent ceux des poètes (Ὅτι παραδοξότερα οἱ Στωικοὶ τῶν ποιητῶν λέγουσιν)[1]. Contre les seconds, il a écrit la Réfutation de Colotès (Πρὸς Κολώτην), le dialogue intitulé Qu’il n’y a pas même de plaisir à vivre selon Épicure (Ὅτι οὐδὲ ζῆν ἔστιν ἡδέως κατ’ Ἐπίκουρον), enfin les quelques pages Contre la maxime « qu’il faut cacher sa vie » (Εἰ καλῶς εἴρηται τὸ λάθε βιώσας). Tous ces traités, quelle qu’en soit la forme et la valeur, nous le montrent très au courant de la littérature des Stoïciens et des Épicuriens. Il ne les connaît pas seulement par les réfutations de ses maîtres : il les a lus lui-même et annotés, et, s’il se sépare d’eux si résolument, c’est bien en connaissance de cause.

Ces sentiments tenaient en réalité à ce qu’il y avait de plus intime chez Plutarque. La philosophie de Platon convenait merveilleusement à la tendance religieuse, idéale et modérée de sa nature. Il ne pouvait souffrir ni le panthéisme des Stoïciens, qui confondait Dieu avec le monde, ni leur déterminisme, qui lui paraissait contredire la conscience humaine et diminuer la bonté divine, ni leur morale outrée, qui méconnaissait l’homme. Il avait en horreur le relâchement des Épicuriens, leur insouciante incrédulité, déguisée sous une vaine apparence de religion, et surtout leur prétendue sagesse pratique,

  1. Le second de ces écrits ne nous est parvenu que sous la forme d’un abrégé assez insignifiant. Le traité Sur les notions communes (Περὶ τῶν κοινῶν ἐννοιῶν πρὸς τοὺς Στωικούς) ne semble pas être de Plutarque. Mais celui-ci avait en outre écrit un livre perdu Contre Chrysippe (Contrad. stoïc., 10, 15).