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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

dénuée de bonté et de beauté. Au contraire, Platon lui offrait une théologie à son goût, un dieu personnel et vivant, qui était le Bien, et qui avait créé le monde selon les lois mêmes de la beauté ; une cosmogonie pleine de grandeur et de poésie, propre à charmer l’imagination tout en satisfaisant la raison ; une morale large et haute, qui appelait les facultés de l’homme et ses plus nobles sentiments à s’épanouir harmonieusement dans l’individu et dans la cité. Tout cela, pour Plutarque, c’était l’hellénisme même, c’est-à-dire, sous une forme admirable, ce qu’il aimait par dessus tout dans la tradition de son pays depuis Homère, et ce qui constituait comme le fond de son âme. En outre, ces belles doctrines, qui l’enchantaient, n’étaient pas emprisonnées dans un dogmatisme étroit. Nul n’avait su autant que Platon mélanger le doute à la croyance, et réserver, jusque dans les plus beaux rêves, la part secrète des interrogations. Or cela encore était grec, et Plutarque en jouissait délicieusement. Bien qu’il remontât par sa doctrine générale au delà de l’Académie probabiliste, il n’entendait pas cependant la renier, et il inclinait à penser qu’elle n’avait pas rompu violemment l’unité de la tradition. S’il aimait à croire, c’était donc en homme d’esprit, et il ne goûtait pas les affirmations tranchantes.

Mais de ce que Plutarque n’a voulu être que Platonicien et l’a été avec tant de naturel et de sincérité, il ne s’ensuit pas qu’il n’ait subi à son insu l’influence des autres doctrines, de celles même qu’il écartait, et des idées qui peu à peu s’étaient répandues dans le monde depuis Platon.

Si c’était ici le lieu d’étudier en détail sa philosophie, il serait intéressant de montrer ce qu’il doit au néopythagorisme, soit dans certaines spéculations sur la vertu des nombres, soit dans le tour de ses préceptes moraux. Il faudrait montrer aussi comment les livres