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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

trouvaient déjà dans le De Providentia de Sénèque, les deux écrivains ayant puisé aux mêmes sources. Toutefois, si le fond est ancien et commun, la dialectique de Plutarque a su se l’approprier. Ces vieux arguments sont rajeunis par l’ampleur qu’il leur donne, par la variété des réflexions accessoires, par l’abondance et la précision des exemples ; il est possible même que d’autres arguments, en petit nombre, lui appartiennent en propre. La thèse en elle-même n’en est peut-être pas très sensiblement fortifiée ; mais ce qu’on ne peut nier, c’est que Plutarque, avec sa modération, avec son optimisme, avec sa douceur insinuante, ne réussisse à en atténuer certaines conséquences paradoxales[1]. Il est humain, même quand il se trouve en opposition momentanée avec la conscience humaine. Bien loin de la froisser, il n’a rien plus à cœur que de la mettre de son côté. Dans l’injustice apparente, il trouve, avec une pénétration vive, des compensations réelles, qu’il fait valoir sans rhétorique, par un sens juste de la vérité. Il en trouve surtout dans sa croyance à une justice au delà de la mort : idée qu’il développe sous forme narrative, avec son talent ordinaire de conteur, dans le récit relatif à un certain Thespesios de Soli, qui mourut d’une chute et ressuscita trois jours après, non sans rapporter de son séjour chez les morts de notables révélations.

Il n’y a pas lieu d’insister ici sur l’entretien intitulé Du Démon de Socrate : œuvre médiocre, qui ne pourrait, il est vrai, être négligée dans une étude complète sur la démonologie de Plutarque, mais qui n’ajouterait rien à l’idée que nous cherchons à nous former de lui en tant qu’écrivain religieux. Nous ne ferons aussi que noter en passant le récit mythique du grammairien

  1. Justement celles que Joseph de Maistre, en traitant le même sujet, rend au contraire irritantes, par exemple le cas des enfants punis pour les fautes de leurs ancêtres.