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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

La sophistique est issue naturellement de la tradition d’art des siècles classiques, sous l’influence des conditions sociales propres à la période de l’Empire. Elle a dû sa naissance, par conséquent, à la fois à des causes intérieures et à des causes extérieures ; c’est aux premières qu’il faut attribuer l’importance principale.

L’art littéraire, constamment excité et cultivé en Grèce pendant la période classique, en même temps qu’il créait au profit des générations suivantes une richesse extraordinaire d’idées et de mots, leur avait enseigné les moyens de les multiplier encore. Cette richesse acquise et cette facilité à l’augmenter étaient, pour ainsi dire, inhérentes à la langue même et à la littérature ; de telle sorte qu’elles passaient, avec cette langue et cette littérature, à tous ceux qui recevaient la culture grecque, quelle que fût d’ailleurs leur nationalité. C’était une partie de l’hellénisme, la plus brillante et la plus pleine de séduction. Tout esprit bien doué, qui faisait des auteurs grecs, poètes et prosateurs, sa nourriture intellectuelle, acquérait ainsi une souplesse et une finesse nouvelles ; ce vocabulaire, si varié, apportait avec lui tout un monde de pensées et de sentiments ; cette littérature, si inventive, éveillait l’invention. En tout genre, des modèles qui provoquaient l’imitation, mille souvenirs curieux pour orner la mémoire, des routes tracées d’avance au raisonnement, toutes sortes d’exemples à suivre et de thèmes à développer. Par là s’entretenait une ambition littéraire fondée sur la conscience de ressources vraiment merveilleuses.

Lorsque l’hellénisme, au premier siècle de l’Empire, reprit complètement, dans la paix, le sentiment de sa

    1838 ; Bernhardy, Gesch. d. Griech. Litt., t. I, p. 509 ; un bon chapitre d’Erwin Rohde, Der griechische Roman, Leipzig, 1876, (chap. III) ; les tomes II, III, IV de Schmidt, der Atticismus, et l’Introduction du livre de H. von Arnim sur Dion de Pruse.