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PRINCIPAUX SOPHISTES DU SECOND SIÈCLE

guration de l’Olympieion, qui venait d’être achevé. Par son faste, par les honneurs qui l’entouraient, Polémon jeta sur la profession de sophiste un éclat encore inconnu. Toute l’Asie grecque se passionna pour son éloquence. Son prodigieux talent d’improvisation, la véhémence de sa parole, la puissance de sa voix, la force dramatique de son action, soulevaient des applaudissements enthousiastes. On croyait voir et entendre en lui un autre Démosthène. Il fut, sous Adrien et Antonin, la gloire de Smyrne, qui se montrait presque aussi fière de lui que du souvenir d’Homère. Un grand nombre de ses discours avaient été publiés ; Philostrate les mentionne, de manière à montrer qu’il les avait lus. Deux seulement sont venus jusqu’à nous[1]. Ce sont deux plaidoyers contradictoires dans une cause imaginaire, dont voici la donnée. Une loi d’Athènes ordonne que le père du combattant qui sera tombé le plus glorieusement sur le champ de bataille prononce l’oraison funèbre des guerriers morts pour la patrie. Après la bataille de Marathon, le père du polémarque Callimaque et celui de Cynégyre se disputent cet honneur[2]. Si curieux que soient ces deux morceaux comme monuments de l’éloquence du temps, il est impossible aujourd’hui à un homme de sens de lire sans dégoût des pages où tout l’effort d’un esprit singulièrement inventif et exercé n’aboutit qu’à de sottes an-

  1. On les trouve, joints à divers autres ouvrages, dans plusieurs mss. de Florence, de Rome et de Paris, qui semblent tous dériver d’un même archétype. Le Laurentianus 56, 1 (xiiie siècle) est celui qui s’en rapproche le plus. Ces deux déclamations ont été éditées par Henri Estienne (1567), Prevosteau (Paris, 1586), Possin (Toulouse, 1637), Orelli (Leipzig, 1819). Nous en avons aujourd’hui une édition critique, due à Hugo Hinck (Leipzig, 1873), dans la bibl. Teubner. Voir aussi H. Jüttner, De Polemonis vita, operibus, arte, Breslau, 1898.
  2. On cite souvent ces discours sous le titre de Oraisons funèbres de Callimaque et de Cynégyre, et le Laurentianus 56, 1 les qualifie de Ἐπιτάφιοι. Cette désignation est manifestement inexacte. Ce sont des discours judiciaires, par conséquent des plaidoyers.