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BABRIUS

lui-même (Prol. ii, 11) qu’il eut des imitateurs, et il s’en plaint aigrement, comme de concurrents qui lui faisaient tort. Voilà comment nous avons affaire aujourd’hui à un texte fort altéré, que l’on peut quelquefois corriger et compléter, soit à l’aide des paraphrases en prose, soit grâce à quelques fragments récemment découverts à Palmyre[1].

Babrius semble avoir commencé par mettre en vers des sujets pris dans un des recueils courants d’apologues ésopiques. Encouragé par le succès, il développa ensuite librement des proverbes, des sentences, recueillit et raconta à sa façon des anecdotes, des traits de diverse sorte, empruntés aux historiens, aux nouvellistes, aux philosophes, aux rhéteurs. Très soigné dans sa versification, il se fit des règles personnelles, qu’il observa curieusement ; par exemple, il a l’habitude de terminer son vers par une syllabe longue, de mettre l’accent tonique sur la pénultième, de ne jamais négliger la césure[2]. Son vers, le choliambe, très voisin de la prose, est bien approprié au genre qu’il traite. Mais, avec cela, il faut reconnaître qu’il a peu d’invention, peu de vigueur de pensée, peu d’imagination, et, en somme, qu’il manque de qualités vraiment personnelles. Sa langue est celle des rhéteurs du temps, avec un mélange de formes ioniennes[3]. Si la meilleure et la plus longue de ses fables, Le lion malade, le renard et le cerf (fable 84), dénote un certain sens dramatique et des ressources d’esprit, un trop grand nombre d’autres pèchent par la platitude et la vulgarité. Peut-être, du reste, Babrius, s’il eût été original, aurait-il eu moins de succès. Cette médiocrité, qui n’embarrassait jamais, le rendait propre à être lu dans les écoles. La faveur dont il a joui com-

  1. Voir la Bibliographie en tête du chapitre, p. 545.
  2. Lachmann, Préface de son édition ; Ahrens, Philol., LIII, 214.
  3. Th. Zachariæ, De dictione Babriana, Leipzig, 1875.