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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

convient de ne pas diminuer. Mais, d’autre part, il ne faut pas attribuer à Apollonios plus de philosophie qu’il n’en a. Plus clairvoyant dans les détails que dans les ensembles, il n’a pas su fonder la syntaxe sur l’étude de la proposition ; de là, quantité d’observations sans portée, d’autant plus erronées souvent qu’elles sont d’ailleurs plus ingénieuses. Ajoutons, sans lui en faire un reproche, qu’il n’a pas plus qu’aucun de ses prédécesseurs l’idée du développement historique d’une langue. D’ailleurs, son style est obscur. Avec une intelligence juste des convenances de son sujet, il vise en général à la concision des formules ; mais sa langue est abstraite, technique ; il dit lourdement et péniblement des choses qui pouvaient être énoncées beaucoup mieux dans le langage de tout le monde. Un grammairien peut se montrer écrivain en traitant de la grammaire ; Apollonios ne l’est à aucun degré. Cela ne l’a pas empêché d’exercer une influence durable et justifiée. Il était le premier qui eût composé une syntaxe savante ; celle qu’il avait faite, tout incomplète qu’elle nous paraisse, est restée comme le fondement sur lequel se sont appuyées désormais toutes les grammaires de l’antiquité[1].

Presque aussi renommé comme grammairien que son père, le fils d’Apollonios, Hérodien, qui vécut sous Marc-Aurèle et professa à Rome, lui est en réalité très infé-

    ceux qui pensaient que l’article servait à « distinguer les genres », et du même coup pose en principe que chaque partie du discours procède d’une idée qui lui est propre : Ἕκαστον δὲ αὐτῶν ἐξ ἰδίας ἐννοίας ἀνάγεται. Ibid. p. 26 : « Le propre de l’article, c’est un rapport qui consiste à représenter une personne dont on a parlé précédemment » (ἔστιν οὖν ἴδιον ἄρθρου ἡ ἀναφορά ἣ ἐστι προκατειλεγμένου προσώπου παραστατική), et, partant de là, il montre que ce rapport se retrouve lorsqu’on parle d’une personne connue, lorsqu’on mentionne le genre entier, etc.

  1. En particulier, les Institutiones grammaticæ de Priscien.