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SEXTUS EMPIRICUS, ŒNOMAOS

qui en recherche la filiation, n’en ont vraiment aucun pour le simple lecteur ; tant ils sont le plus souvent artificiels et fragiles. La seule chose qui les recommande à l’attention, c’est qu’ils nous renseignent sur les sciences qu’ils prétendent détruire. À ce point de vue très spécial, le livre de Sextus a son prix. Mais c’est là un mérite de document, non d’œuvre littéraire. Quant à la personnalité de l’auteur, ces séries interminables d’arguties, ces petits raisonnements secs, subtils, captieux, et souvent puérils, ne la montrent guère sous un aspect favorable. Quoiqu’il fasse profession de considérer la croyance comme une maladie, dont il prétend avoir à cœur de guérir les hommes, on se demande à chaque instant s’il est sérieux. Et en admettant qu’il le fût au fond, il paraît difficile de nier qu’il n’ait cédé bien souvent au plaisir de jouer avec les idées et de taquiner les pédants trop convaincus de leur importance[1]. Le malheur est que son pédantisme à lui dépasse toute mesure. Autant le doute sincère sur des matières graves intéresse et provoque à réfléchir, autant ce bavardage stérile, qui, sous prétexte de raisonner, déraisonne à prix fait, est de nature à dégoûter les esprits sensés.

Un autre incrédule, mais d’un tout autre tempérament, peut figurer à côté de lui : c’est un philosophe cynique, un Grec syrien, Œnomaos de Gadara. Sa vie ne nous est pas connue ; les dates même en sont incertaines ; on ne peut dire s’il appartient à la fin du second siècle ou au commencement du troisième[2]. Comme Lucien, mais avec

  1. Contre les Gramm., p. 689, 14 Bekker : Ἀλλ' ὅμως ἵνα μὴ καινοτερων ἐλέγχων ἀπορεῖν δοκῶμεν, προσφωνητέον τι κἀνταῦθα τοῖς γραμματικοῖς. — M. ouvr., p. 626, 12. Ἀλλ' ἀφέμενοί γε ταύτης τῆς ζητήσεως ἐκεῖνο ἂν λέγοιμεν ὃ μᾶλλον δύναται θλίβειν τοὺς γραμματικούς.
  2. Selon G. Syncelle, 349, il vivait sous Adrien. Selon Suidas (Οἰνόμαος Γαδαρεύς), il est de peu antérieur à Porphyre. Eusèbe, Prép. évang., V, 18, le cite comme « récent », τὶς τῶν νεῶν. Voir sur Œnomaos, J. Bernays, Lukian und die Kyniker, et Saarmann, de Œnomao Gadarensi, Tubingue, 1887.