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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

dans toutes leurs applications et conséquences, et par là, il en est devenu comme le répondant devant la science.

Or la science, il faut le reconnaitre, les a rejetées bien loin, et c’est en les repoussant qu’elle a réalisé ses plus sérieux progrès. Aujourd’hui, cette doctrine des « forces » nous apparaît à travers les moqueries dont Molière a accablé les médecins de son temps, et la « puissance attractive » nous fait songer immédiatement à la « vertu dormitive » de l’opium. Mais toutes les grandes explications théoriques des phénomènes du monde, une fois dépassées, en sont là : ce qui n’empêche pas que la science ait besoin de théories, pour lier ses expériences et en coordonner les résultats. Tout ce qu’on doit se demander par conséquent, c’est si, au temps de Galien, sa doctrine fondamentale répondait à l’état des connaissances, et si, au lieu d’entraver les progrès de la science, comme elle le fit plus tard, une fois vieillie, elle n’était pas au contraire propre à les favoriser. Sur ces deux points, il ne semble pas que le doute soit possible. En dehors de cette doctrine, nous ne voyons, dans le monde scientifique d’alors, que des théories stériles, qui ne provoquaient ni observation ni expérimentation. Au contraire, la philosophie, si vigoureusement coordonnée et défendue par Galien, tenait compte de tous les faits établis, elle en faisait même découvrir d’autres, et si elle créait, derrière ces faits, des entités imaginaires, ce n’étaient guère que des noms qu’elle imposait à l’inconnu, chose que l’homme n’a jamais pu se dispenser de faire. On lui a reproché d’abuser de la dialectique. Mais la dialectique de Galien est celle d’un homme qui sait, qui observe, qui expérimente, qui réfléchit, et qui éprouve le besoin de conclure de ce qu’il voit à ce qu’il devine. Admirable de vigueur, elle est toujours appuyée sur des faits. Sans dialectique de cette