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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

que d’élégance. Son mérite est surtout fait de logique et de précision. L’agrément proprement dit y est rare ; Galien ne cherche pas à orner sa diction ; mais il lui arrive assez souvent de rencontrer des comparaisons dont la justesse piquante égaie sa dialectique, tout en contribuant encore à la clarté. Et dans la probité de ce style scientifique, qui ne vise qu’à l’enseignement, se révèle ainsi l’homme d’esprit, qu’on devait écouter avec plaisir.


Galien, Ptolémée, Marc-Aurèle, Appien et Arrien marquent, en face de la sophistique, ce qui restait encore de sérieux dans l’hellénisme. Si les beaux esprits du temps mettaient l’art littéraire au service d’une virtuosité frivole, il ne manquait pas, on le voit, d’intelligences saines et fermes, qui aimaient la vérité, qui croyaient la trouver par les forces de la raison, et qui pensaient que l’emploi naturel de la parole, c’est de l’exprimer. À tous, il est vrai, on pouvait adresser un même reproche : ils vivaient trop sur un passé qui était épuisé. Décidément, la renaissance qui avait commencé à la fin du siècle précédent ne donnait pas tous les fruits qu’on eût été en droit d’en attendre. Après avoir tiré parti des enseignements de l’antiquité, on ne savait pas s’en affranchir, pour marcher hardiment dans des voies nouvelles. Et toutefois le plus grand mal était ailleurs.

L’hellénisme, en ce qu’il avait d’essentiel, n’avait pas pu se faire adopter par les multitudes qui étaient venues à lui trop vite. Elles n’en avaient pris que le dehors, non les profondes manières de penser ni les méthodes. Et ce qu’elles en avaient pris ne leur suffisait pas ; il fallait autre chose à leur vie intellectuelle et morale. En conséquence, à la science dont elles ne comprenaient pas les conditions, elles tendaient à substituer la croyance ; à la sagesse, qui leur semblait froide,