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THÉMISTIOS

sous forme d’apologie personnelle, une sorte de tableau d’ensemble de sa vie ; le 24e (Περὶ τῆς ἀρχῆσς), où il explique comment il a pu accepter de Théodose la charge de préfet de la ville sans démentir les principes de sa philosophie ; et, dans un autre genre, le 5e, à Jovien, sur la tolérance religieuse, dont une partie se retrouve dans le 12°, à Valens ; enfin le 19e, à Théodose, sur l’humanité (Ἐπὶ τῇ φιλανθρωπίᾳ τοῦ αὐτοϰράτορος).

L’éloquence de Thémistios est généralement molle et ornée, officielle et académique ; mais elle a de la grâce, de la noblesse, de l’éclat, et elle s’inspire de sentiments élevés, qui lui communiquent par moments une certaine force. Son chef-d’œuvre est le discours à Jovien, plein de saines et généreuses pensées. La liberté de croyance et de culte est pour l’orateur un don de Dieu : « Celui qui use de violence en matière religieuse, dit-il, supprime la liberté que Dieu même a concédée. » Et en fait, ajoute-t-il, la violence est stérile, car l’âme s’y dérobe : « Cette loi de liberté, ni les confiscations, ni les croix, ni les bûchers ne peuvent la détruire ; tu peux emprisonner le corps, le livrer même à la mort ; l’âme s’en ira, emportant avec elle sa loi et la liberté de sa pensée, alors même que la langue aura subi la contrainte[1]. » De telles paroles font grand honneur à celui qui les a prononcées. Et elles ne sont pas exceptionnelles chez lui. Toute son éloquence a visé à recommander l’humanité, la justice et la haute culture de l’esprit. Etant lui-même sans passions, il a pu garder, en ce siècle de discordes et de mutuelles dénonciations, une sereine impartialité, un peu froide sans doute et sur-

  1. 5e Disc., p. 81, Dind. : Ὁ δὲ προσάγων ἀνάγϰην ἀφαιρεῖται τὴν ἐξουσίαν ἣν ὁ θεὸς συνεχώρησε. — Καὶ τοῦτον οὐ χρημάτων ἀφαίρεσις, οὐ σϰόλοπες, οὐ πυρϰαϊὰ τὸν νόμον πώποτε ἐβιάσατο, ἀλλὰ τὸ μὲν σῶμα ἄξεις ϰαὶ ἀποϰτενεῖς, ἂν οὔτω τύχῃ, ψυχὴ δὲ οἰχήσεται ἐλευθέραν μετὰ τοῦ νόμου συμπεριφέρουσα τὴν γνώμην, εἰ ϰαὶ τὴν γλῶτταν ἐϰϐιασθείη.