Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/908

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
890
CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

fastidieuse ; nulle critique ; un ton de panégyrique, une crédulité superstitieuse et puérile. Si Jamblique intéresse néanmoins l’histoire littéraire, c’est uniquement parce qu’il représente, mieux que personne, l’état d’âme d’une partie de ses contemporains. Nous voyons en lui l’hellénisme devenu une religion exaltée, dont les fidèles, de plus en plus détachés des intérêts terrestres, vivent en plein surnaturel. La foi l’emporte en eux sur la raison ; ils demandent à la révélation divine ce qu’ils n’attendent plus de la recherche ; ils s’adonnent avec une ferveur étrange à la divination et à la théurgie ; ils sont en commerce avec les bons démons et en guerre avec les mauvais. De plus en plus, leur esprit perd le contact de la réalité, pour se laisser aller à des spéculations extravagantes. Jamblique réalise l’idée de dieu en une série infinie d’êtres imaginaires, de triades superposées et emmêlées, et ses disciples acceptent tout cela sur la foi du maître. On ne sait plus et on ne se soucie plus de savoir quelles sont les conditions de la démonstration et les caractères de la vérité ; la raison a perdu sa force. En revanche, l’imagination et la sensibilité sont excitées d’une manière maladive. Tout atteste un dérangement intime de l’équilibre mental, qui est surtout manifeste chez les mieux doués.

Nulle part cela n’apparaît plus clairement que dans un opuscule longtemps attribué à Jamblique, l’écrit Sur les mystères, qui ne semble pas être réellement de lui, mais qui provient certainement de son école[1]. L’objet

  1. Le vrai titre de cet écrit est Réponse du maître Abammon à la lettre de Porphyre à Anébon et solution des doutes qui y sont proposés (Ἀϐάμμωνος διδασϰάλου πρὸς τὴν Πορφυρίου πρὸς Ἀνεϐὼ ἐπιστολὴν ἀπόϰρισις ϰαὶ τῶν ἐν αὐτῇ ἀπορημάτων λύσεις). Zeller, Phil. d. Griechen, t. V, p. 715. Éditions ; voir Gale, De mysteriis Ægyptiorum, 1678 ; Partey, Jamblichi de mysteriis liber, Berlin, 1857.