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TIMON DE PHLIONTE

Νεκυία, semble-t-il, ou paraissaient leurs auteurs. Le poème se composait de trois livres. Le premier était sous forme de récit. Dans les deux autres, Timon dialoguait avec Xénophane : il interrogeait le vieux philosophe-poète, et celui-ci lui répondait[1]. Dans ce dialogue défilaient tour à tour tous les inventeurs de systèmes, depuis les plus anciens jusqu’aux plus nouveaux. Tous, bien entendu, étaient raillés, sauf Pyrrhon. Ces croquis de philosophes ont un double mérite : ils sont spirituels, et ils sont d’un homme qui sait les choses dont il parle. On s’explique sans peine qu’ils aient été souvent cités par les anciens : la plupart de ces petits médaillons satiriques sont aussi amusants qu’instructifs. Son mot sur le Musée, qu’il appelle « la volière des Muses[2] », est célèbre. Il disait de Platon, en un joli vers aux allittérations intraduisibles :

Ὡς ἀνέπλαττε Πλάτων πεπλασμένα θαύματα εἰδώς[3].

Ses portraits de Zénon et d’Arcésilas sont très fins et très précis[4]. Rien, du reste, n’est insignifiant dans cette suite de vives et brèves images.

Quelques historiens de la philosophie ancienne avaient essayé de renouer la chaîne entre le pyrrhonisme primitif et celui d’Énésidème[5]. Mais il semble bien que cette tentative fût purement artificielle. Après Timon, le pyrrhonisme proprement dit cesse de former une école. C’est dans la moyenne et la nouvelle Académie que son influence se fait surtout sentir, et c’est par elles qu’il continue de vivre et d’agir jusqu’à Énésidème.

  1. Xénophane semble avoir été choisi par lui pour interlocuteur à cause du demi-scepticisme des Éléates sur les choses sensibles.
  2. Mullach, v. 2-4.
  3. Mullach, v. 71.
  4. Mullach, v. 88-90 et 72-73.
  5. Diog. L., IX, 115-116.